Le monde professionnel est en train d´évoluer, changer, se modifier. Les plans de carrières de plusieurs dizaines d´années au sein d´une même entreprise ou organisation se raréfient et ne concernent pour ainsi dire à ce stade qu´une minorité d´individus. Certes, nous pouvons encore trouver dans notre entourage des personnes qui exercent pour le compte d´une entité depuis le siècle dernier (c´est à dire un temps que la génération millenium n´aura pas connu) et qui arriveront pour bientôt à la retraite, avec l´espoir de la prendre là où leur dernière expérience professionnelle les aura pour ainsi dire conduit.
Auparavant, ce type de continuité au sein d´une même structure était souvent assimilée à une forme de « stabilité » professionnelle, qui renvoyait inconsciemment l´image d´une personne plus « fidèle » donc plus « fiable ». L´attachement émotionnel à une région, une communauté, un cercle d´amis, était sans doute plus fort. A moins que la volonté de préserver un emploi proche de son domicile pour préserver au mieux son environnement choisi ou construit, en soit la principale motivation. Toujours est-il que lorsque l´on était bien quelque part ou que l´on était arrivé à la conclusion que ce n´était pas pire qu´ailleurs, en général, on y restait.
Le « où travailles-tu ? » était souvent une question préalable ou corrélée du « que fais-tu ? » (sous-entendu dans ta vie professionnelle). Un professeur américain qui nous avait donné un cours de Management du temps où j´étais étudiant nous avait ouvert les yeux sur une particularité nationale. Lui-même, qui avait l´habitude de transmettre son savoir dans différentes Universités européennes, avait constaté qu´en France le « Where » était plus important que le « What ». Autrement dit, on semblait valoriser davantage le lieu plutôt que le contenu même de la formation. Simple anecdote culturelle ou preuve d´un conformisme ambient plus généralisé, lequel nous incite collectivement ou individuellement à faire preuve d´une certaine suffisance ? La question mérite d´être posée.
Car, fort de cette précédente remarque, ce professeur nous avait également alerté sur l´importance de prendre le temps de continuer à se former tout au long de son parcours professionnel. L´apprentissage permanent (ou continue) avec l´acquisition (plus que la reconnaissance in fine) de nouvelles compétences doit en toutes circonstances être une priorité. Il ajoutait que c´est bien notre particularité à savoir anticiper et nous adapter constamment au changement, qui fait la différence dans la qualité de nos vies.
Notre conception occidentale du temps exprimée de manière « linéaire » avec la notion de passé, présent, futur est pour ainsi dire en opposition avec celle du monde dans certains pays asiatiques où cette conception temporelle est plus « circulaire » (imaginer une forme de spirale pour comprendre cette dernière idée). En Occident, lorsqu´une opportunité se présente, on a l´impression légitime que c´est pour « maintenant ou jamais ». La vertu est de permettre de décider et de se positionner rapidement. Le revers, c´est qu´au passage cela peut entrainer un certain degré de stress ou de frustration. Dans certains pays asiatiques, si l´on pense par exemple à nos amis chinois héritiers du mode de pensée de Confucius, une opportunité n´est pas vraiment « manquée » car d´une manière ou d´une autre, on préfère considérer qu´elle reviendra à nous, dans le temps, même sous une autre forme. Le caractère du mot « crise » intègre également la notion positive d´opportunité (qui par définition ne forme qu´un et n´est ainsi pas opposé par deux concepts différents).
Bien que d´une civilisation à l´autre, le paradigme soit différent, dans l´un ou l´autre cas, on peut constater une forme de continuité. En effet, renoncer à une opportunité c´est continuer à exercer ce que l´on fait déjà (= continuité). A l´inverse, la saisir, c´est peut-être changer mais c´est surtout et avant tout continuer le prolongement de notre parcours (= continuité).
Finalement où que l´on soit, quoi que l´on décide ou que l´on fasse, on est dans le prolongement du cours de notre vie. Attendre ou ne rien faire pour changer notre situation est déjà un choix.
Prendre une décision radicale, impactante et s´y tenir en est un autre. Tout pour ainsi dire constitue une forme de continuité. De la même manière que le jour laisse place à la nuit, et que soleil arrive après la pluie (et inversement) si rien n´est immuable, tout s´exerce de manière discontinue.
Chacun de nous est en chemin, se trouve sur son chemin. Ce dernier peut être sinueux, plus ou moins pentu à certains moments, on peut même ressentir une forme de lassitude ou de fatigue, néanmoins, d´une manière ou d´une autre, nous avançons. La différence principale peut être le choix assumé de choisir ou non sa destination plutôt que de continuer à emprunter celle que nous avons eu l´habitude de suivre jusqu´à présent. Néanmoins sous sommes sur la route, « ici et maintenant ». Tâchons donc d´en profiter et de vivre pleinement cet éternel présent, pour reprendre l´expression chère à Eckhart Tolle.
Pour conclure, de la même manière que le un vient après le deux et que le trois se trouve à la suite du deux, un certain ordre naturel existe pour nous permettre de choisir nos priorités du moment, et surtout nous concentrer sur leur réalisation chronologique (par ordre d´importance). Au-delà de plan de carrières à construire, une alternative qui serait de prendre l´habitude de penser davantage en termes d´élaboration de plan de vie serait tout autant pertinent. En effet, non seulement l´aspect professionnel y serait inclus, mais surtout notre équilibre physique et physiologique serait parfaitement intégré, donc plus facilement respecté.
Pour en venir à vous, prenez quelques minutes pour vous demander ce que vous souhaitez continuer de voir se réaliser dans votre vie (ne serait-ce que sur un des aspects de votre existence). A l´inverse réfléchissez sur ce qui vous déplait et que souhaiteriez modifier au cours des prochaines semaines ou des prochains mois.
Puisque certains exemples parlent plus que le contenu, voici une petite liste de suggestion non exhaustive :
- Le « café-clope » doit-il rester d´actualité ?
- Le « petit » verre qui auparavant était hebdomadaire et a pu devenir plus quotidien vous apporte-il autant de plaisir ?
- Le renoncement à faire ce premier pas de vous réconcilier avec un proche doit-il continuer ?
- Etc.
L´acquisition de nouvelles habitudes peut être une voie pour améliorer qualitativement – et c´est déjà beaucoup – la continuité du chemin que nous parcourons. Il est bon de se rappeler ici l´importance de que chaque pas ou de reternir l´expression suivante : « Petit à petit l´oiseau fait son nid ».
Un bon cheminement…
Mickaël Garin