Cassure, voilà bien un mot qui n’est pas neutre, car souvent assimilé à une forme de souffrance physique ou émotionnelle. Dans les faits, il s’agit même d’un mélange des deux. La cassure évoque la rupture soudaine d’une habitude, le changement brutal d’un état à un autre. A l’image d’un vase qui se brise et pour lequel on peut difficilement recoller les morceaux, la cassure entraine en général un chamboulement fort, intense autant que soudain dans nos vies. On passe ainsi d’un état présent, que l’on pensait éternel, a un nouvel état (passé récent ou nouveau présent), qui demande une adaptation des plus rapide.
Certes les croyances des uns et des autres derrière ce mot cassure font en général le reste. Par exemple, au sens propre comme figuré, je ne pense pas qu’un vase cassé qui aurait été réparé soit moins beau que sa version originelle. De même, qu’une voiture cabossée soit moins efficace sur la route. Ou encore qu’une engueulade (même violente) entre deux individus conduise nécessairement à les éloigner l’un de l’autre. A terme, ces personnes peuvent même se rabibocher, se rapprocher et trouver un nouveau mode de communication qui puisse leur permettre de mieux se respecter mutuellement.
Le mot cassure, lorsqu’il est suggéré, entendu ou clairement prononcé (avec insistance par celui ou celle qui souhaite éteindre toute forme d’ambiguïté) fait mal. La plupart de temps il fait vaciller notre égo et touche également notre être le plus profond.
La séparation de deux personnes qui se sont aimées n’est pas chose aisée. Cela demande du temps d’effectuer un réel travail sur soi, de reconnaitre que, malgré les efforts entrepris, le temps consacré, ce tandem ne marche pas, ne fonctionne plus. Le divorce demandé est une première étape lorsque les personnes ont été mariées. Le fait de confier ses intérêts à une personne externe n’est d’ailleurs pas nécessairement synonyme de garantie d’être épargné du sentiment d’injustice qui peut guider l’accomplissement d’une telle démarche. Avant l’étape du divorce, et cela concerne presque toutes celles et ceux qui ont été en couple, la cohabitation quotidienne a pu se dégrader. On ne dit rien, on laisse faire, on ferme les yeux sur certains besoins essentiels (comme le rangement ou une meilleure répartition des tâches ou des rôles de chacun) et ensuite on arrive à un point naturel de saturation.
Puis on s’agace, et on s’efface. On ne dit mot, ou on implose suivant le caractère réel ou supposé de chacun(e). Vivre en harmonie demande un effort, une responsabilité réciproque de prise en compte de ses besoins et de ceux de son partenaire. « We make it or we break it » fut une phrase prononcée dans mon entourage qui continue de résonner en moi. La Cassure, le « break » est sans doute la conséquence du fait que le Vivre ensemble, le « Make » n’a pu se dérouler convenablement.
Autrement dit, la cassure est souvent la conséquence d’un dysfonctionnement. Soit dans le mode de communication, soit dans la réalisation d’une faute ou plutôt dans l’accumulation d’erreurs effectuées. La cassure nous oblige à sortir d’une certaine inertie ou interrompre un rythme effréné (dans le cas le plus extrême).
Néanmoins, la cassure offre aussi la possibilité de commencer un nouveau départ. Dans un couple, comme dans une relation amicale, avec un membre de sa famille ou dans le cadre professionnel, n’est-il pas préférable de croire que dans la vie « tout se rattrape » ? Qu’à condition d’avoir le bon comportement, la bonne intention et un état d’esprit tourné vers le positif, les choses finissent (toujours ou presque) par rentrer dans l’ordre. Le temps fait son œuvre, il permet de laisser ce cas précis ce sentiment douloureux que quelque chose qui s’est brisé est maintenant derrière soi.
La cassure a en outre l’avantage de permettre de faire exploser un système, de se rendre compte qu’un changement inéluctable vient d’avoir lieu.
L’autre sens plus léger du mot « cassure » est empruntée de la terminologie britannique « break ».
En ce qui me concerne, j’avais à peine sept ans lorsque, raquette de tennis en main, mon premier professeur de sport nous parla de « faire un break ». Intuitivement, je savais qu’il venait de nous recommander de faire une pause afin de se reprendre. En effet, à peine prononcé ce nouveau mot, je vis circulé le passage d’une main à l’autre la seule bouteille fraiche disponible du moment. Cela venait d’ancrer en moi ce nouveau mot de vocabulaire. Petit aparté, il semble que les enfants, de manière inconditionnelle, semblent accepter tout mot dès leur premier usage. Par la suite, l’explicatif qui s’en suit concernant la particularité tennistique du « time break » permit plus techniquement de doté ce nouveau mot et lui donner davantage de solennité.
Le mot cassure est souvent médicalement synonyme de fracture.
La nature est bien faite si l’on peut dire. Je me rappelle encore les paroles du chirurgien qui m’avait opéré à l’âge de dix-sept ans d’une double fracture au niveau de l’avant-bras (radius et cubitus) suite à une chute en roller. Je soutenais littéralement ma main « abimée » par l’autre restée en « bonne santé ». Outre la vision désagréable de cette nouvelle résultante, la prise en charge immédiate par les secours, et un endormissement rapide pour m’opérer en urgence me firent entrer dans une forme d’état second. A mon réveil, les paroles du chirurgien se firent rassurantes : « Ne vous inquiétez pas, l’opération s’est bien passée. En plus, vous devez savoir qu’une fois votre os de nouveau reconstitué, il sera encore plus solide qu’avant ». Il vit mon incompréhension dans mon regard et ajouta donc pour bien expliquer ces propos : « C’est comme si une forme de pellicule protectrice allait maintenant se former à l’endroit même où vous avez eu votre double fracture, et ce voile va encore davantage solidifier votre membre ». Tout était dit, la cassure ou la fracture peut dont permettre de (se) solidifier davantage.
Aujourd’hui, le fils d’un ami vient de sortir de la table d’opération après s’être facturé le fémur. Un jeu nocturne et l’enfoncement soudain dans un trou auront eu raison de la robustesse de son os. L’inquiétude de ses parents a été à la hauteur des cris de douleurs émis par leur fils. Dans un second temps, le courage de ce dernier tend maintenant à les rassurer. Ce nouvel épisode dans la vie de ce petit garçon contribuera avec le temps à le rendre encore davantage unique, tout simplement plus fort. Il aura expérimenté une douleur intense. Il devra observer une période d’immobilité rendue nécessaire en période estivale, une nouvelle manière de voir le monde et une envie folle de retrouver ses nombreux terrains de jeux dès que possible. Cela fera parti de son parcours de vie. Il s’agit d’une épreuve pour lui comme pour ses proches, néanmoins cette fracture physique ne contribuera qu’à renforcer cet élan d’amour inconditionnel autour de lui, lequel remplira d’affection au passage son réservoir émotionnel.
La manière dont nous percevons toute forme de « cassure » influe nécessairement sur la façon dont nous choisissons d’y faire face. Si quelques fois, nous nous sentons abimés, peut-être même un peu cassé, il ne s’agit au fond que d’épreuves supplémentaires auxquelles nous devons faire face dans notre parcours de vie.
Et vous, en ce moment, ressentez-vous une forme de cassure dans votre vie ou dans votre rythme de vie ? Si oui, êtes vous en pleine tempête ou s’agit d’un évènement encore récent qui a déjà tendance à s’estomper ?
Rappelons-nous cette phrase anodine issue du monde de l’agriculture : « Après la pluie vient le beau temps ».
Un bon cheminement,
Mickaël Garin.
NB: Tous mes vœux de rétablissement à ce petit bonhomme, premier fan inconditionnel d’Antoine Griezmann qui rêverait d’obtenir un autographe de son footballeur préféré. Par hasard, si l’un d’entre vous qui lit cet article peut être utile à la réalisation de ce rêve d’une dédicace personnalisée merci pour lui de vous manifester ;-). Un très beau mois d’aout.