Sauvetage

Combien donneriez-vous à une personne qui par sa seule présence et action vient de vous sauver la vie ? Autrement dit, de vous épargner de perdre la vôtre ? Quelle valeur donner à un acte de courage, de bravoure où celui qui vous a aperçu au loin, se jette dans l’eau, pour vous en sortir ? Qu’est-ce qui serait advenu à ce moment précis, pour vous, pris au milieu des vagues si une personne ne vous avait pas entendu ? Pas vu ? Ou encore, comme hélas cela arrive parfois, fut paralysée devant la peur du danger par l’inaction…

Il y a ceux qui font l’histoire et ceux qui la racontent. Je n’ai effectivement pas directement vécu cet épisode arrivé hier samedi 10 septembre 2022, par l’un de mes proches, qui fut le héros discret du jour. Néanmoins, cette dernière me touche. J. s’était comme à l’accoutumé réservé un petit temps dans la semaine pour se retrouver à un point « hasardeux » le long de la côte. Il venait de s’éveiller, était heureusement déjà en alerte. Et puis, au loin, il avait entendu l’équivalent brouillé d’un mot qui déclenche au fond de tout être l’humain la besoin imminent d’agir rapidement. Ce mot, compte tenu de la langue maternelle de celui qui l’emploie, peut varier. Les amateurs de Tintin retiendront plus facilement la formule consacrée : « Au secours ». Dans ce cas précis, c’était bien le mot « Help » qui résonnait au loin. Son auteur était de nationalité britannique. Une femme, dont l’instinct de survie lui avait permis de trouver les forces d’appeler au loin.

« S’accrocher à la vie », lorsqu’en définitive on se trouve dans un moment où tout peut s’arrêter c’est là que paradoxalement on se rend compte que l’on tient le plus à elle. Nous pensons souvent à tort que la vie est éternelle, qu’on a le temps, que l’on fera ceci ou cela demain. Alors, on remet à plus tard, on « postpone » pour emprunter le vocabulaire de certaines personnes (dont je fais partie) qui use et abuse des mots anglosaxons pour exprimer une même idée déjà proposée dans notre langue maternelle. Se dire qu’on a le temps, n’est plus une option lorsqu’un danger direct ou indirect nous appelle, nous secoue, vient nous chercher.

Cette personne qui était littéralement en train de se noyer dépendait à ce moment là uniquement de l’autre. Elle-même s’étant rendue compte qu’elle n’était plus en mesure de s’en sortir toute seule. Il fallait réunir ses dernières forces pour se faire entendre, du mieux possible, et espérer (prier) que sa voix puisse être entendue. Je n’ose imaginer ce qui a dû lui passer par la tête à ce moment précis. Se trouver dans un environnement déjà hostile, pris dans un courant qui l’entrainait loin du rivage, et chercher désespérément du regard une personne afin urgemment de pouvoir obtenir un contact visuel, et ainsi lui faire part de sa détresse.

L’histoire de Pierre et le Loup aura marqué mon enfance. Pour la première fois, à l’âge de huit ou neuf, j’avais revêtu un gilet de sauvetage et m’étais amusé à utiliser le sifflet qui lui était relié. Mon oncle m’avait recadré direct en me disant que l’utilisation de cet objet était tout sauf un jouet. Dans l’eau, son usage était strictement codifié. Ce dernier devait être réservé uniquement en cas d’urgence et par définition pour formaliser un appel au secours. A force de crier au Loup et de faire déplacer les villageois pour rien, Pierre ne fut plus entendu lorsque cet animal s’approcha réellement de lui et décida de le croquer. Pour paraphraser cet exemple, j’ai compris assez jeune que se plaindre ne servirait pas à grand-chose. Vous pouvez obtenir une forme de considération à court terme néanmoins, qui se volatilise dès que votre interlocuteur se lasse de vous écouter.

En septembre 2018, j’ai pu heureusement compter sur la vivacité de membres de mon entourage, en particulier ma cousine qui m’a conduit chez elle après un passage par les urgences. Elle prit sa voiture, roula plusieurs heures sous la pluie avec un chauffage défectueux qui l’obligea à ouvrir et fermer les fenêtres jusqu’à son arrivée en terre normande depuis son lieu de résidence en région parisienne. Le soulagement ressenti à son arrivée était immense. J’avais commandé une pizza pour qu’elle puisse reprendre ses forces et je pense que jusqu’à la fin de ma vie je me remémorerai sa venue compte tenue des circonstances. A ce moment-là, j’étais sans doute en train de me noyer sans le savoir, et avant de sombrer avait pris soin de prévenir, d’appeler au secours. Cette anecdote est simplement pour rappeler que nous pouvons tout autant nous retrouver dans la position de sauveteur que dans celle du sauvé(e).

Le choc post traumatique après une expérience de la sorte n’est pas à minimiser, un accompagnement pour « évacuer » cet épisode est souvent nécessaire. Nos proches sont bien évidemment d’une bonne écoute, souvent emprunts à nous donner de précieux conseils. Néanmoins les professionnels de l’accompagnement sont bien évidemment les mieux formés pour aider à surmonter ce genre d’émotions. Parler pour évacuer, tel est l’objet de l’accompagnement thérapeutique dont les bienfaits ne sont pas à négliger.

Pour en revenir à notre héros de la veille, cette personne a déjà transformé positivement cette expérience en renonçant à se demander ce qui aurait pu se passer s’il n’avait pas été là, par une forme de philosophie à accepter son destin et ainsi se dire que justement tout a pu, en quelque sorte, être « programmé » pour que justement cette même personne soit là. Dieu ou l’Univers, la chance ou le hasard, chacun peut expliquer depuis sa propre perception les raisons qui font qu’une personne se trouve sur votre chemin, à un moment précis, pour vous aider ou vous permettre à contrario de l’aider. Avoir un impact positif dans la vie de l’autre, voilà déjà une responsabilité individuelle et collective que nous devrions tous partager.

Être attentif aux signes, à notre environnement extérieur, en étant plus en alerte, est également une formidable occasion de se sentir vivant. Le film « Crash » résume assez bien cette manière de voir le monde. Rappelons-nous qu’à notre niveau nous pouvons à tout moment avoir un impact incroyable dans la vie de l’autre.

Et vous, avez-vous en mémoire une situation que vous avez vécu où vous vous dites encore : « Heureusement qu’il ou elle a été là pour moi, que j’ai été là pour lui, pour elle » ?

Se remémorer ce genre de scènes permet de faire le plein d’estime de soi (car on s’est senti aimé, considéré dans le premier cas) et de confiance en soi (car on s’est senti actif, utile dans le second).

Ces quelques instants pour voir souvenir d’un acte héroïque émanant de votre sauveteur ou de vous-même en tant que héros, vise surtout à vous dire que tant que l’on est en vie c’est que notre mission n’est pas encore finie et qu’il faut faire en sorte de la mener pleinement.

Un bon cheminement…

Et, « Reset your life ».

Mickaël Garin

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