Mi-ange, mi-démon ; Adulé autant que détesté ; Génie absolu pour certains, ceux qui aimaient le voir jouer ; Génie déchu pour d´autres, ceux qui préféraient le juger. Diego Maradona ne laissait personne (ou presque) indifférent. Hier, en ce triste 25 novembre 2020, Diego Armando Maradona, s´en est allé. Faisant en ce jour la une de la plupart des journaux de la planète, y compris les quotidiens non sportifs.
Ce cœur qui aura fait vibrer celui de dizaines de milliers/millions de personnes, qu´elles soient respectivement présentes au stade ou devant le petit écran, aura cessé tout doucement, puis définitivement, de battre. Un cœur comme on aime à le dire qui était « gros comme ça », un cœur d´une générosité incroyable ou monstrueuse, c´est selon. Ce débordement d´énergie l´aura conduit au sommet du football mondial, pour ses exploits sur le terrain, autant que dans les bas-fonds, pour ses frasques extra sportives. Maradona était tout simplement capable du meilleur comme du pire. Faire souffrir ses amis et ses proches de ses dérives comme leur permettre de mieux l´aimer à chaque fois qu´il revenait à lui, après un énième excès consenti, une nouvelle overdose constatée. Son entourage impuissant face à ce leader insaisissable, ne pouvait rien dire ou conseiller à Diego, lequel semblait remettre inlassablement sa vie en jeu, jouer à la roulette russe avec son destin. A moins qu´il n´ait décidé depuis ce premier but incroyable contre l´Angleterre (mondial 1986), qu´il avait inscrit de la main, de confier sa vie entre les mains de Dieu. Quelques instants plus tard, dans le même match, comme pour prouver à tous ce dont il était capable, il décidait de clore le sujet (ou d´ouvrir éternellement le débat) en marquant un second but magistral, le plus beau but du vingtième siècle (considéré comme tel par la FIFA) et, ce qui va de pair, le plus beau de sa carrière. Capable à la fois d´un coup de vice et d´un coup de génie incroyable, à quelques minutes d´intervalle, dans un seul et même match résume, à merveille sa carrière autant que sa vie d´homme.
Je devais avoir sept ou huit ans quand mon oncle, à force de m´en parler, me donna envie d´en savoir plus sur le personnage. Pour rappel, nous étions à une époque où le fait d´avoir trois chaines de télévision était déjà considéré comme un privilège. Mon grand-père, qui était persuadé que la télévision couleur « abimait les yeux », avait opté pour un téléviseur en noir et blanc. L´écran devait faire la taille d´un cahier d´écolier néanmoins cela n´empêchait pas de se réjouir de cette fenêtre d´ouverture sur le monde. Je n´avais pas connu en direct les exploits de Maradona lors du mondial 1986, lequel remporta la coupe du monde avec l´Argentine. Néanmoins, je n´allais pas laisser passer cette opportunité de le découvrir et le voir jouer en direct, au cours de ce mondial 1990 qui avait lieu en Italie. J´en avais le souffle coupé, à chaque touche de balle il me faisait chavirer. Bien que droitier, je m´entrainais dur du pied gauche pour lui ressembler, et je faisais encore et toujours des jongles avec le ballon pour améliorer ma technique de balle. Je me rappelle lui avoir dédié mon premier but, inscrit pour mon premier match. Nous perdions 1 à 0 et j´avais dit à mon partenaire de jeu : « pfff on ne marquera jamais ». Et lui m´avait répondu plein de conviction : « Oh, il faut pas dire ça, bien sur qu´on va revenir et qu´on va marquer ». Score final 1 partout, j´avais eu la chance d´égaliser par un plat du pied à bout portant et d´en tirer une première leçon de vie importante : Never give up. En français, on ne lâche pas. Pour revenir à l´anectode, dès le but marqué je m´étais trouvé bête. Car il s´agissait de mon premier match, et je ne savais pas comment célébrer cet exploit. Alors, à l´image des asiatiques qui montrent avec contentement sur les photos, deux de leur cinq doigts, concrètement leur indexe et le majeur en forme de V, j´en fis de même répétant fièrement : « Ma-ra-do-na, Ma-ra-do-na… ».
Devenu icone du peuple napolitain quelques années plus tôt, après avoir donné ses premiers titres de gloire à cette belle équipe de Naples sur le sol italien (deux fois champions d´Italie) et européen (vainqueur de la coupe de l´UEFA), Maradona était devenu un des leurs, un enfant du peuple comme il aimait à se définir. Pour revenir à ce mondial, les organisateurs avaient pris soin d´organiser la demie finale entre l´Argentine et l´Italie en terre hostile, rivale du grand Napoli, club où il avait effectué ses principaux exploits. C´était méconnaitre Maradona qui pour répondre à cette foule ne manquait pas de lui répondre comme il savait le mieux le faire, sur le terrain. L´Argentine se qualifiera et s´hissera jusqu´en finale contre l´Allemagne.
En finale, au moment de rentrer sur la pelouse et surtout lorsque résonnait l´hymne de l´Argentine avant ce début de match historique, Maradona n´en croyait pas ses oreilles. Les tifosis (supporter en italien), qui pour certains l´adulaient semblaient avoir tout oublié le temps d´un match pour oser l´impensable : Siffler l´hymne argentin, ce qui fut synonyme pour Diego de manque de respect à l´égard de son pays, l´Argentine qu´il aimait tant. Lui qui avait tant donné pour ce peuple italien comment ce dernier ne pouvait-il pas s´être abstenu de ce chambrage inutile, en évitant de siffler ce jour-là. En football comme ailleurs, rien ne garantit à la bêtise de se manifester. L´Italie avait été éliminé au tour précédent, le public avait trouvé par ce biais là un moyen d´exprimer sa frustration. Conspuer de la sorte l´hymne argentin, Diego était meurtri. Maradona marqua sa désapprobation par une insulte publique, clairement exprimée face caméra et facile à lire sur ses lèvres. Au cours de ce match, le pénalty sifflé en faveur de l´Allemagne, en finale du mondial 1990, fut des plus litigieux et Diego fut privé d´une deuxième victoire consécutive en coupe du monde. Ce qui aurait encore davantage consacrée son règne sur le football mondial. Maradona, compétiteur dans l´âme ne s´en remettra pas. Il avait pour lui échoué dans sa mission de voir porter de nouveau au plus haut la sélection de son pays sur l’Everest du football mondial. Sa déchéance commença presque à ce moment-là.
Inconsolable, Diego ne digérera pas vraiment cet épisode. Bien qu´il réalisa l´effort nécessaire pour revenir au plus haut niveau en 1994, le temps de marquer un but d´anthologie contre le Grèce lors de la coupe du monde, crier au monde sa joie, avant de… Se retrouver exclu de la compétition. Presque autoexclu si l´on considère qu´il soit l´unique responsable de s´être rendu positif à ce contrôle anti-dopage effectué, comme il aimait à le rappeler, sur le sol du pays hôte américain que Diego adorait pointer du doigt, les Etats-Unis. Au fond, c´est surtout la politique étrangère de ses représentants, que Diego Maradona critiquait. Car Diego n´en avait pas après les citoyens de ce pays, il ne s´attaquait pas à eux. Rebelle dans l´âme, Diego qui ne manquait pas l´occasion de rappeler ses préférences politiques pour des leaders controversés ne se fit pas que des amis. Il aimait à imaginer ces derniers en défenseurs du peuple. Dans le monde d´aujourd´hui où tout semble aseptisé, où chaque joueur professionnel dispose de cours de communication et fait usage de la langue de bois, en s´exprimant avec des tournures de phrases « politiquement corrects », un personnage comme Diego Maradona manquera d´autant plus.
Epris de liberté, il avait érigé cette dernière en valeur suprême, véritable philosophie de vie. Imprévisible, il sera parti au moment où l´on s´y attendait le moins. Opéré la semaine dernière, les premières nouvelles étaient pourtant rassurantes. Maradona, présent devant l´éternel est en bonne place aux côtés des légendes de ce sport. Pour comprendre ce que les passionnés du ballon rond, qui suivirent de près le football dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, peuvent pour certains ressentir aujourd´hui, nous pouvons résumer cela au fait que c´est une partie de notre enfance, de notre jeunesse qui vient de s´évaporer. Trois jours de deuil ont été déclaré en Argentine le temps de pleurer son fils prodige. Le pays ne manquera pas d´honorer Diego Maradona. En ce qui me concerne, pour tout ce que tu as fais à l´intérieur du rectangle vert Diego, et les émotions ressenties, MERCI. C´est personnellement ce que je retiens de toi, tu m´as fait rêver en étant petit et cela durera pour la vie.
Et vous ? Avez-vous dans un coin de votre tête ou plutôt dans votre cœur votre « Maradona » ? Celui ou celle qui vous a fait rêver par son œuvre, son génie, son charisme ? N´hésitez pas à l´indiquer sur une feuille, ou en commentaire.
Pour finir, Diego qui fut interviewé très tôt en Argentine, et filmé à cette occasion (car son talent dépassait largement les contrées du petit bled où il se trouvait) répondit à la question du journaliste qui lui demandait son rêve qu´en fait il en avait deux : « Le premier serait de jouer une coupe du monde avec l´Argentine, et le deuxième serait de la gagner ». Tu auras vécu chacun de ces deux rêves Diego et pour au moins cela tu mérites admiration.
In fine, chapeau l´artiste et Adieu…
Bon cheminement à toi… Vers les étoiles.
Mickaël Garin.
Une réflexion au sujet de « Adieu l´artiste »
Merci pour ton hommage à Diego Maradona. Pour la petite histoire, j’ai eu à l’époque l’opportunité de voyager avé. Lui et son manager Coppola de Madrid à Rio. J’en ai conservé un t’shirt signé Diego 10 pour mon “pibe” Michel 🤩