Tout d´abord, et pour être précis la formule exacte directement importée des Etats-Unis est le « no-email Friday » ou avec sa variante orthographiée le « no email Friday ». Les puristes apprécieront cette annotation. Néanmoins, en ce qui me concerne, ce concept me fut pour la première présentée dans sa terminologie, avec cet ordre de mot indiqué dans le titre du jour, par un dénommé Lionel. Sa curiosité naturelle était particulièrement remarquable, de même que la qualité de son éloquence. Si l´on apprend de chaque personne au niveau professionnel alors, dans le contexte d´époque, je dois bien avouer que j´avais eu là une excellente opportunité de grandir en tant qu´individu et progresser au niveau commercial en compagnie de différentes personnalités expérimentées.
Pour en revenir au concept du « vendredi sans mail » l´idée de base est au fond assez simple. Sans nous en rendre compte, nous recevons et envoyons au quotidien bon nombres de courriels qui pourraient ainsi être évités. Cette « nouvelle » manière de travailler a modifié radicalement notre comportement au bureau, vis-à-vis de nos collègues et également dans notre relation client ou fournisseur. D´ailleurs l´envoi de mails tient plus à un mode de fonctionnement et de nouvelles habitudes professionnelles plutôt qu´à une volonté d´augmenter sa réelle productivité au travail. Pour certaines tâches, notamment la prise de rendez-vous en phase de prospection commerciale, cette méthode est souvent même moins efficace que le démarchage téléphonique.
Car si l´on part du principe qu´il existe au sein d´une organisation la volonté de « brieffer » ses salariés en leur demandant d´éviter l´utilisation du mode de communication mailing (le temps par exemple d´une journée par semaine), alors il semble que l´alternative téléphonique soit la plus adaptée pour se substituer à ce tapotage frénétique des touches du clavier. Attention toutefois, à ce que le téléphone (smartphone comme on le nomme depuis) ne soit pas utilisé pour envoyer des sms ou des whatapp. En effet, il s´agit bien d´inciter à ce que ses collaborateurs aient « le courage » de composer (et encore la formule est mal choisie) le numéro de leurs interlocuteurs pour avancer dans le(s) dossier(s) concernés. Ce temps « hors de la contrainte de regarder son courriel » peut être également employé pour faire un peu de classement ou s´entretenir sur les axes de progressions à mettre en place, et/ou mieux plannifier son temps ou les tâches prioritaires de la semaine suivante (par exemple).
Petit « flashback » : Il était une fois, une époque pourtant pas si lointaine (pour la fin des trentenaires actuels ou jeunes quadragénaires), où en l´absence de téléphone portable, il fallait déterminer à l´avance un lieu et une heure de rencontre précise. Chaque village, chaque quartier avait son repère. Chacun au fond disposait de son coin de réunion favori. Par exemple, à l´époque de mes débuts où je jouais au foot dans un petit village du beaujolais, nous étions convoqués à « la croix ». Traduisez, à côté de l´endroit qui mettait en avant notre héritage judéo-chrétien et qui se trouvait juxtaposé au stade municipal. L´adolescence marqua par la suite des retrouvailles le mercredi après-midi à côté du « Mac Do » ou devant « La Fnac » de la place Bellecour pour la ville du département concerné. En ce temps, nous n´avions pas à « souffrir » de ces « last minutes changes ». Le téléphone n´avait pas besoin de vibrer cinq minutes avant l´heure convenue pour prévenir d´un retard survenu. Le fait de ne pas pouvoir joindre son interlocuteur nous obligeait de fait à tout mettre en œuvre pour se rendre à l´heure prévue. Peu d´excuses pour les retardataires, car passé le délai conventionnel des quinze minutes autorisées culturellement, le groupe décidait souvent unanimement de plier bagage.
L´arrivée du téléphone portable entre nos mains a révolutionné la manière dont nous gérons notre temps. Son effet a également enlevé beaucoup de spontanéités à des envies de rencontres inespérées. En effet, avant cette portabilité technologique inventée, il n´était pas mal perçu, au contraire, de passer à l´improviste dire bonjour à un ami ou aller voir un membre de la famille.
Aujourd´hui, soyons honnêtes, combien d´entre nous oserions se présenter devant la porte d´un proche sans avoir pris soin, au préalable, de le prévenir de notre éventuelle arrivée ?
Pour faire un parallèle avec la naissance, puis la démultiplication des courriels dans la manière de fonctionner, il semble que nous sommes là face à un véritable paradoxe. En effet, d´un côté nous n´osons plus assumer l´irrésistible envie de faire une surprise à quelqu´un par une visite non prévue, au risque qu´elle paraisse incongrue. Et d´un autre, nous n´hésitons pas pour autant à « bombarder » de mails plusieurs de nos interlocuteurs, ou autres collaborateurs professionnels, sans savoir si ces derniers auront des choses plus importantes à faire que de nous répondre. De fait, nous imposons aux autres ce que nous n´aimons pas forcément que l´on exige de nous : Une réponse à un mail envoyé presque dans l´instant. Comme si au fond seul l´immédiateté de la réponse comptait, au-delà même de la qualité de cette dernière. Comme si « travailler » était devenu depuis synonyme d´envoyer des mails, au-delà même de résoudre la problématique de fond abordée. L´idée n´est pas bien entendu de renoncer à laisser des écrits, notamment pour des sujets sensibles que pourraient être un retard de marchandises ou une responsabilité fournisseur. Simplement de prendre un peu de hauteur, au moins une fois par semaine (et pourquoi pas le vendredi) et estimer si l´information que nous avons besoin ne peut pas être obtenu différemment, plus chaleureusement et même plus directement.
Prenons l´exemple d´une période « hors confinement », où une vaccination efficace générale et approuvée nous permet de retrouver certains de nos collègues ou collaborateurs. N´est-il pas préférable de se déplacer physiquement de son bureau, pour aller à la rencontre de son congénère pour échanger avec lui oralement ? En prenant simultanément des notes pour confirmer un engagement réciproque. D´accord, revenons à la situation actuelle que nous connaissons et l´obligation par exemple de télétravailler. Dans des journées où certains d´entre nous se sentent naturellement plus isolés n´est-ce pas le moment idéal pour « oser » appeler ? Je ne parle pas nécessairement de l´usage de « zoom » ou autres fenêtres d´échanges qui imposent un rendu visuel, mais du bon vieux coup de téléphone « à l´ancienne ».
Le « vendredi sans mail » peut être une formidable occasion de (re)créer du lien, rappeler un prospect, faire parler de son entreprise, améliorer son offre produit ou de service, etc. Si vous doutez encore de l´utilité de cet échange plus direct, voici quelques exemples susceptibles de vous donner un angle de vue différent.
Pour votre anniversaire, que préférez-vous ? Recevoir un mail de félicitations (via une carte postale virtuelle) ou entendre la voix familière de l´un de vos proches (lequel peut même prendre l´initiative pour l´occasion de pousser la chansonnette) ?
En tant que client, consommateur (frustré ou floué), vous aimez que l´on vous dise qu´il est nécessaire pour traiter votre requête d´envoyer un mail (remplir le cas échéant un formulaire) ou au contraire qu´une personne à l´autre bout du fil, avec un don d´écoute active, prenne acte de vos doléances et vous propose dans la foulée une solution de remplacement voir de compensation ?
En tant que professionnel – par exemple en charge de relancer des factures clients – préférez-vous que votre interlocuteur fasse lettre morte à l´un des nombreux mails envoyés ou que ce dernier ou vous-même prenez l´initiative de vous expliquer, convenir oralement d´un échéancier et ainsi rendre possible un échange plus abouti pour traiter au mieux le sujet abordé ?
Les exemples pourraient être nombreux, néanmoins l´important est de prendre le temps de méditer sur le nombre de situations actuellement bloquées par des échanges de mails « malheureux » qui pourraient être, en quelques minutes d´un échange qualitatif oral, très facilement résolus.
Et vous, avez-vous envie de tenter l´expérience ? Celle, le temps d´une journée (matinée ou après-midi) de vous joindre à ce mouvement du « vendredi sans mails » en essayant tout simplement de travailler / communiquer différement ? Cela dans une volonté de mieux répondre aux besoins et attentes de votre interlocuteur(trice) ?
A défaut, le/la surprendre et vous surprendre, en revenant aux basiques d´un mode de communication davantage fluide, plus directe. En espérant que cette lecture vous aura au moins permis d´imaginer, à minima vous autoriser à envisager une alternative de communication.
Un bon cheminement…
Mickaël Garin