L’Instant et le Tout

Je ne suis plus avant mais pas encore tout à fait après. Je suis dans l’entre deux. Cet espace ou peut-être sommes nous les plus lucides, car fort d’un choc traumatique récent, mais pas encore aveuglé par une renaissance espérée mais non-acquise.

Le choc a été brutal. Sourd. Pathétique, même….

Quand un boxer vient rencontrer le sol, il reste glorieux d’avoir affronté l’inconscience d’un sport, les coups, le chao. Dans un malaise vagal qui mène à une chute lors de laquelle la tête heurte un objet en métal, on n’ affronte que son destin, sa chance, soi-même.

Cette chance est mienne. Non celle de m’être relevé après 5 minutes d’un ailleurs. Où ai-je été pendant tout ce temps ? Pendant ces 300 secondes où l’esprit se met en veille mais pendant lesquelles une force indéfinie le garde sous tension, avant que cet esprit ne se réveille, avant qu’il ne se révèle aussi. Comme si de rien était, faisant marcher le corps qui l’emmène tranquillement dans l’ambulance.

Je parle ici de la chance d’être frappé ; Non pas de foi, bien qu’ elle aussi puisse donner une force folle, mais d’une volonté. Qu’on m’ait donné la force de toujours avancer (même si cela ressemble à un titre de Pascal Obispo ou de Lara Fabian). Le mérite ici est absent. On ne mérite pas une jolie couleur de cheveux, une taille avantageuse ou un métabolisme performant. On ne mérite pas non plus d’avoir au plus profond de soit l’envie de surmonter, de voir le plus quand il y a du moins, de se dire toujours qu’un avantage évident se cache dans les épreuves.

Y a-t-il au monde une évidence plus grande que d’affirmer qu’il faille savoir se réjouir ? Je ne pense pas. Cela a été écrit et dit et répété et chanté et transmis et expliqué et analysé.

Et pourtant. Nous dérivons tous dans un courant tiède et lent qui nous éloigne de la pleine réalisation de notre chance, de nos chances. Une journée peut offrir mille de ses chances.

On peut par exemple engloutir un café. Ou apprécier d’abord l’humeur qui se dégage des arômes. Sentir la chaleur et la buée indécelable qui se pose sur nos lèvres qui plonge dans cette tasse. Gouter à l’amertume et à la force de ce trésor d’ailleurs. Sentir ses effets dans chaque fibre dans chaque tissu de notre corps physique.  S’évader un instant dans ses pensées puis replonger. Cela n’est pas une béatitude mièvre que de décomposer chaque plaisir. Je suis le premier à ne pas le faire assez, à engloutir à dévorer à ne pas attendre. Mais je sais que chaque fois que je ne profite pas de ces saveurs simples, je perds quelques précieux grammes de plaisir.

J’aimerais être contemplatif et contemplatif seulement. Pourtant se mêle à ma certitude de l’utilité et de la vérité de la contemplation, une boulimie incontrôlée et insatiable du tout. Tout expérimenter avant le dernier souffle. Tout voir tout explorer tout sentir et ressentir. Cette soif est à la fois à l’opposée de la contemplation, mais elle est aussi sont inévitables compléments, les deux faces d’une même médaille pour moi.

Le sentiment d’être toujours en retard, de n’être pas assez loin dans ce projet ou dans cette autre idée. Il y a tant de choses à vivre. Il y a tant de limites à toucher. Quelque chose au fond de moi n’accepte pas l’impossibilité de tout expérimenter. Pourtant la raison me rappelle, parfois, rarement, qu’il va falloir faire des choix. Choisir est une torture suprême. Choisir c´est mourir un peu.

Entre ces deux extrémités, entre le plaisir de l’instant et l’appétit infini pour le tout, je navigue encore. Sachant le premier plus accessible, sans en être encore assez convaincu pour abandonner le second en totalité. Alors il y a peut-être le juste milieu, plein de consensus instables. Choisir les 3 ou 4 choses qui résonnent en vous. Trouvez ces quelques éléments majeurs qui vous font vibrer. S’astreindre à cet exercice imparfait, entre choisir et ne pas choisir. Ne plus soulever trop de pierre, de peur de redécouvrir des possibilités nouvelles. Se fixer un cap avec quelques repères seulement, au loin.

Dans cette navigation incertaine mais délicieuse, j’aimerais avoir dans mon paysage personnel ces quelques iles : La gastronomie, le soin du corps et de l’esprit, la vie dans la nature, l’enseignement des langues, la parodie.  C’est peu avancer que de composer cette liste mais c’est un premier pas, et un aboutissement aussi. Cela n’est pas une ‘bucket list’ mais plutôt une ‘kiff list’ ou une ‘can’t-live-without-list’.

En fait au-dessus de tous ces mots, il y a même une valeur suprême. L’envie.

L’envie et l’énergie pour avancer. Vite ou non. Mais avancer sur ces quelques idées qui colorent mon monde. La régularité c’est le graal. C’est mon Everest. J´oscille entre une énergie qui déborde de toutes parts, souvent, et une fainéantise abyssale, parfois, qui puise peut-être sa source dans l’impossibilité de tout essayer et de tout vivre.

Marcher chaque jour à 1000 mètres de chez soi est bien plus difficile de que de courir deux marathons par an. Cultiver cette bonne routine, cette discipline en tombant le moins possible dans la résignation devant l´immensité des chemins.

Ce vœu pour cette nouvelle année est bien celui-ci. Approcher la régularité, en gardant bien au chaud dans le creux de ma main, la graine de folie qui permet tout. Réussir à transmettre cette idée à ceux que j’aime. Les aider s’ils sont loin du début d’un chemin de bonheur qui leur est propre. Être là pour moi-même, savoir me pardonner ; Être là pour les autres, savoir aider souvent, et dire non, parfois.

Bon cheminement…

De la part de Julien Mevel, entrepreneur (& fantastique ami – Take care and all the best for 2021)

2 réflexions au sujet de « L’Instant et le Tout »

  1. Magnifique …connaissant l’auteur, son ‘quoique jeune âge’ et tout ce qu’il a pour autant déjà réalisé …pour lui et surtout pour les autres directement et indirectement sans le savoir…je me dis…que la liste de ses envies restera forcément in fine incomplète…mais celles de ses réalisations va encore s’allonger…on a donc pas fini d’en parler !

  2. Cher auteur, je reconnais bien ici certains conseils que tu m’avais prodigué alors que j’étais au plus bas, coincé dans un hôpital, face à la pire épreuve de ma vie.
    Comment avais-je pu atterrir là alors que j’avais une santé de fer, un entourage aimant et pas de problème insurmontable ?
    Avec le recul procuré par l’échange, la lecture et un peu de méditation, l’évidence m’est apparue. A trop vouloir les étoiles, je n’ai pas su apprécier les plaisirs simples de la vie, à trop vivre dans le passé, le futur, je n’ai pas assez vécu le présent, à trop vouloir aider l’autre, je me suis oublié.
    Sorti provisoirement de mon chemin, je me suis enquis de reprendre la route. Non, pas une autoroute, pas un chemin de terre non plus mais Ma route. Ma renaissance et je tenais à te remercier et à témoigner que « même dans les pires moments de la vie, il y a du positif  » (2015). A la recherche d’un positif circonstanciel dans cette nouvelle existence, plus sereine, plus tolérante et plus heureuse tout simplement. Je suis donc heureux de t’annoncer, mon ami que je vais être papa…

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