La temporalité de cet écrit s´inscrit volontairement dans le timming de la “Toussaint”. Temps privilégié qui permet de se rappeler au souvenir de nos aïeuls, lesquels nous ont précédé et transmis un certain héritage. Au-delà des traditions et des croyances individuelles de chacun, il est indéniable que nous sommes issus d´une société et civilisation que nos anciens ont participé à construire, donner vie. Ce temps de paix que nous jouissons en Europe occidentale, depuis notamment la fin de la seconde guerre mondiale, a permis de rapprocher certains peuples et nations qui auparavant se faisaient la guerre. In fine, permettre pour notre exemple français d´avoir retrouvé une proximité avec nos voisins allemands, par exemple.
La semaine dernière, à l´occasion d´une fête traditionnelle dans un petit village des monts du lyonnais, nous avons célébré la “fête des conscrits”, autrement appelée la “fête des classes” qui était l´occasion de se réunir avec tous ceux – originaires des lieux ou plus récemment installés – dont la fin de l´année de naissance coïncidait avec celle de l´année en cours, donc 2021. Etaient donc présents les individus nés en 1931, 1941, 1951, 1961, 1971, 1981, 1991, 2001, 2011 et… 1921 car il y avait également une personne centenaire. Pour l´occasion, la classe précédente en 0 était également conviée (compte tenu des mesures restrictives de l´année dernière elle n´avait pas pu célébrer à cette occasion lors de l´année civile correspondante) et cela donna naissance pour la première fois de l´histoire à une classe inédite, la 10 ou 1-0 (c´est selon la préférence de chacun).
Nous fîmes la fête, dans le cadre d´une journée parfaitement orchestrée. Rendez-vous le matin à 08h pour remise du signe distinctif des classards, des “chèches” de couleurs différentes suivants l´appartenance à “sa” décade. Plaisir retrouvé de revoir certaines personnes avec lesquels nous sommes liés par le partage de ce moment intime tous les dix ans. Passé ce premier temps de retrouvailles, les premières photos collectives furent prises, avec l´arrivée des rayons matinaux du soleil, par une photographe professionnelle dont le rôle était surtout d´attirer l´attention le temps de réussir un ou plusieurs clichés. Son abnégation est à saluer car en ce type d´occasions il existe, c´est évident, une tendance naturelle à la dispersion.
Ensuite vint un petit moment de recueillement devant le monument aux morts. L´occasion pour deux amis de prendre la parole et permettre à tous, donc à chacun, de se remémorer l´origine de cette “fête des classes”. Elle fut inventée par les jeunes (voir très jeunes) appelés à se rendre à la guerre. Ils étaient à l´époque tirés au sort et c´était l´occasion de célébrer un dernier moment tous ensemble. Certains ne revinrent jamais. D´autres furent de retour dans de tristes états physiques ou émotionnels, tentant de se reconstruire à la suite de ce moment de vie « volé » de leur jeunesse, pour la justice d´une cause que nous aurions tendance à tourner en dérision aujourd´hui si le moment encore récent du confinement ne nous avait pas suffisament alerté sur l´importance du sentiment de liberté. La liberté d´agir et de se mouvoir, et accessoirement s´unir à la personne de son choix ; La liberté de décider de son métier, du sens donné à la vie, de ses orientations personnelles et professionnelles. La liberté de changer d´environnement si ce dernier ne nous convient pas. La liberté de dire « non », d´exprimer un « oui », ou même un « raz le bol », ce qui dans ce dernier cas peut tout autant signifier une acceptation ou un refus d´avoir manifesté son desiderata suffisamment en amont pour éviter de se retrouver dans une position devenue plus délicate. Il y a encore la liberté du « c´est bon j´ai compris », du « cela ne se reproduira plus » ; La formule de liberté plus fataliste du « à quoi bon…» ou plus enthousiaste du « tout est possible ! ».
Si les règles de vie en communauté permettent de proposer un cadre, les conditions de réussites du vivre ensemble sont avant tout corrélées par l´investissement individuel de chacun(e) et la compréhension de tous, disons du plus grand nombre, pour garantir la tenue dans ce cas précis de retrouvailles, qui furent des plus conviviales. Personnellement, je suis très admiratif des personnes qui prennent de leur temps, pour s´investir dans la vie en communauté. Pour en revenir à cette journée des classes, l´organisation était parfaitement huilée grâce à l´excellent travail des organisateurs qui avaient pris soin d´anticiper la préparation de chacune des étapes clés de la manifestation. Après le temps pour ceux qui le souhaitaient de se retrouver devant la sortie de l´Eglise du village, nous prîmes place pour organiser les premiers défilés. La « vague » pouvait commencer aux alentours de midi. Voilà bien une activité – se tenir bras dessus, bras dessous et déambuler ensemble dans les rues du village – qui ne peut se réaliser qu´avec l´aide de ses compagnons. On oublie souvent que la plupart des manifestations publiques sont avant tout possible par l´agrégation d´une somme d´individus qui constitue la foule. On a parfois tendance à oublier que notre unicité n´a de sens que parce que nous appartenons (ou décidons d´appartenir) à une tribu. Celle de notre enfance, de notre adolescence, des copains de la Fac, du boulot, de notre famille, de notre club de sport, etc. Celle d´une communauté qui se retrouve autour des mêmes valeurs, d´une même vision dans la manière de vivre et de se retrouver.
Le repas dinatoire des classes commencé l´après-midi et qui s´étala jusqu´en fin de soirée nous aura conduit à partager de nombreux souvenirs. Des moments de rigolades d´avant, comme des moments plus légers actuels, autant que d´autres plus « sérieux » suivant les aléas de la vie, des avancées de chacun(e). Car en dix ans il s´en est passé des choses, et d´ici dix ans tellement de situations vont également se produire…
Par chance, les demi-décades existent avec des retrouvailles prévues dans cinq ans. Pour ceux et celles qui ne peuvent attendre, les quart-de-décades permettent également de raccourcir ce temps.
Et vous, où que vous habitiez, quelque soit votre origine, vos coutumes, votre région ou pays d´origine, avez-vous une fête traditionnelle que vous aimeriez nous communiquer, faire découvrir ?
Quel serait le moment idéal pour décider de réunir autour de vous disons dix personnes de votre choix pour célébrer un événement majeur dans votre parcours de vie ?
Quel est la dernière occasion où ensemble vous ne formiez qu´un ?
Laissez ce souvenir remonter à la surface et souriez car, à défaut d´être filmé, ressentir la présence chaleureuse des autres est un excellent moyen de se sentir également mieux avec soi-même.
Un bon cheminement…
Et à bientôt les conscrits…
Mickaël Garin
Une réflexion au sujet de « Tous un »
Très joli texte (as usual) Michou 🥰